Histoire

Découvrez l'histoire de Jodoigne de la préhistoire au 20è siècle avec un point sur l'étymologie.

Textes et photos de Monsieur Robert De Meester


Etymologie

Si tous les indices laissent entrevoir un riche passé archéologique, ils ne permettent cependant toujours pas de trancher entre les différentes hypothèses qui ont été avancées pour expliquer l'étymologie du nom de Jodoigne.L'origine de ce mot est-elle celtique; dérive-t-elle du nom d'une tribu gauloise citée par César, les Geidumii (hypothèse de J. Ruelens) ou au contraire provient-elle du nom propre d'un grand propriétaire gallo-romain appelé Geldo (hypothèse de R. Hanon de Louvet)? Il est impossible actuellement de répondre à ces questions.


Préhistoire

Les traces de l'occupation humaine du territoire de Jodoigne pendant la période préhistorique sont nombreuses. Si certains outils lithiques paraissent marqués de caractères mésolithiques ou même magdaléniens, les seuls vestiges que l'on puisse interpréter avec certitude datent de la période néolithique.


Les sites de cette époque ont été repérés en périphérie de la localité: près de la ferme de Chebais, au bois des Cailloux, au bois du Bombard et au lieu-dit "Bois brûlé".Le site du bois du Bombard a notamment livré une scie lithique à quatre encoches, destinée à l'emmanchement. Cet habitat serait celui d'une peuplade de la fin du néolithique, fortement évoluée, pratiquant la chasse et la pêche, mais aussi la petite culture, un peu d'élevage, et capable de tisser et de fabriquer de la poterie.


L'emplacement de ces sites montre que les premiers occupants du sol de Jodoigne affectionnaient de s'établir sur les pentes bien exposées, à l'altitude de 90 à 100 m, à proximité de sources ou ruisseaux et d'affleurements sableux et caillouteux qui rendent le sol plus perméable tout en réduisant l'humidité.


Période Gallo-Romaine

Les vestiges gallo-romains abondent également autour de Jodoigne mais n'ont pas encore fait l'objet de fouilles systématiques. Les traces archéologiques se révèlent néanmoins très intéressantes.


De la céramique sigillée provenant vraisemblablement d'un mobilier funéraire du 2ème siècle de notre ère, fut mise àjour en 1845/6 lors des travaux de nivellement et de raccordement de l'actuelle rue des Gotteaux avec la chausée de Hannut.


Une première villa fut partiellement fouillée dans la campagne de Bronne en 1915. Ce bâtiment s'apparentait aux villas de Stolberg et Beckingen en Allemagne et de Beringen en Suisse. Les quelques éléments chronologiques retrouvés attestent une occupation du 2ème siècle au milieu du 3ème. Cet édifice semble contemporain de l'importante villa toute proche du lieu-dit la Seigneurie à Sainte-Marie-Geest.

A peu de distance de la Chapelle à l'Arbre, des photos aériennes ont révélé la présence de trois cercles concentriques alignés que l'on interprète comme les traces de tumuli arrasés.


Un autre établissement fut sondé en 1963 et 1964 au lieu-dit le Chasselon la ferme du Stocquoy et Molembais. Il semble lui dater du 2ème siècle de notre ère et aurait pu, d'après le toponyme dérivé de castellum, avoir servi de poste de fortification au Bas-Empire, le long de cet ancien chemin que l'on appellera plus tard le Chemin des Moines.


Moyen-Age

De ce que fut Jodoigne depuis la fin de l'Empire romain jusqu'à l'aube du XIe siècle, aucun vestige, aucun témoignage ne permet de le préciser: rien n'est connu des périodes franque, carolingienne, ni de la haute féodalité.


Au XIIe siècle Jodoigne réapparaît dans l'histoire avec l'essor du grand mouvement urbain médiéval. Jodoigne est alors le centre d'un grand domaine rural qui avait vu naître spontanément une petite agglomération aux pieds du château seigneurial de Gille de Duras et autour de l'église Saint-Médard près de laquelle s'était probablement déjà développé un petit marché agricole.


En 1184, les événements politiques modifient complètement l'aspect de la bourgade: le duc de Brabant, Henri Ier, réunit définitivement la terre de Jodoigne à ses Etats et fonde aussitôt, au nord du village existant, une villa nova ou ville neuve dont le plan est tout à fait caractéristique: une place triangulaire pour le nouveau marché, des rues se coupant à angle droit et une enceinte articulée au départ du château ducal: à l'est, la porte de Tirlemont débouchait sur la campagne, en direction de cette ville; au sud, la deuxième porte enjambait le ruisseau Saint-Jean et s'ouvrait vers le faubourg Saint-Médard; enfin à l'ouest, la troisième menait au quartier Saint-Lambert, par delà la Ghète.


Le projet du duc de Brabant fut couronné de succès: dix ans plus tard, en 1194, l'oppidum de Jodoigne, habité par des burgenses, figure parmi les 9 villes du duchés de Brabant. La prospérité économique vient rapidement: un tonlieu est attesté en 1217, on parle d'une nouvelle halle en 1234 et d'une halle au blé en 1278. Ce développement vaut à la localité d'être appelée Geldonia Fori ou Jodoigne le Marché dès la fin du XIIe siècle. Enfin, s'il n'est pas sûr que la charte de 1211 concerne Jodoigne (les historiens pencheraient pour l'attribuer à Vieux-Genappe), il est cependant certain que la ville reçut ses propres franchises avant 1217.


En 1288, les milices de Jodoigne combattent à Woerringen sur le Rhin, aux côtés du duc Jean Ier qui remporter une retentissante victoire sur les troupes de l'archevêque de Cologne.


L'essor économique se prolonge au XIVe siècle qui voit naître une petite draperie locale. Preuve de cette opulence: les bourgeois font bâtir à l'intérieur des remparts la Chapelle du Marché qui fut consacrée à la Vierge Marie le 12 août 1353. En cette fin de XIVe siècle, la population de Jodoigne (avec Huppaye et Petit Bomal) est estimée à 1300 ou 1500 habitants, ce qui met la localité au deuxième rang des villes du Brabant, après Nivelles.


Temps modernes

Après l'important développement du moyen âge, le XVIe siècle d'abord(avec les guerres de religion et les conflits entre l'Espagne et les Provinces-Unies) puis le XVIIe (qui reçut le triste surnom de Siècle des malheurs) entraînèrent la ville dans une longue période de déclin.


Pendant deux siècles, ce ne fut qu'une succession de sièges, pillages, destructions, incendies et épidémies, aggravées parfois de calamités naturelles: un ouragan ravage le quartier Saint-Médard en 1561. Les troupes du Prince d'Orange incendient l'église Saint-Médard en 1568, puis la ville dix ans plus tard. Les armées hollandaises saccagent la cité en 1588 et 1635, avant d'assiéger à nouveau la ville en 1638. Les Espagnols en retraite avaient entre-temps déjà incendié la Chapelle du Marché en 1632.


Les épidémies n'épargnèrent pas non plus la population: la peste, qui sévissait à l'état endémique dans l'ensemble de nos régions frappe en 1597, en 1632 et surtout en 1668, lorsqu'elle décime un dixième des habitants en fauchant 154 personnes.Signe des temps, cette douloureuse période est encore assombrie à Jodoigne, comme dans d'autres localités, par la condamnation de plusieurs malheureuses femmes accusées de sorcellerie et brûlées vives. Le comble de l'horreur fut atteint en 1624 avec neuf exécutions ! La légende de la Gadale, qui laissera le nom associé à la ville (Jodoigne est dite parfois "Cité de la Gadale") est plus récente mais fait peut être référence à ces épisodes anciens qui frappèrent les mémoires.


Avec l'accession de Charles-Quint au trône d'Espagne puis l'Empire (en1519), Jodoigne cessa d'être le domaine du Duc pour devenir celui du Roi. En 1658 toutefois, le Roi d'Espagne en fit cession à Philippe de Ligne, duc d'Aarschot et d'Aremberg. Puis en 1664, le domaine fut acquis par Winant Comte de Glymes dont le cénotaphe orne la nef de la Chapelle du Marché. L'année 1700 vit la joyeuse entrée du nouveau seigneur, le marquis Louis de Borgia de Tarazena, gouverneur d'Anvers, neveu de Philippe de Ligne. En 1729, la seigneurie devint possession du comte de Romrée, et son épouse, née Jeanne-Isabelle Vecquemans, qui firent alors transformer en 1730 les vieux bâtiments délabrés en la belle bâtisse appelée Château de la Comté, aujourd'hui connue sous le nom de Château Pastur. Le calme revint en effet au XVIIIe siècle et l'on reconstruisit activement: après le Château de la Comté, ce fut au tour de l'Hôtel de Ville en 1733.


Le malheur pourtant semble s'acharner : le 8 avril 1735, un vendredi saint, vers 11 heures du matin, un incendie ravage tout le quartier de l'Hôtel de ville, attisé par un vent violent. Des dizaines de maisons sont détruites dans le bas de la Grand-place, place de la Bruyère (où se trouvait alors la Cure de Saint-Médard qui est détruite; elle sera plus tard reconstruite à son emplacement actuel près de l'église) et jusqu'à l'actuelle rue Sergent Sortet.La fin du siècle fut à nouveau assombrie lorsque pendant l'occupation française, le Directoire, prit en 1798, des mesures impopulaires qui hérissèrent la population: décisions anti-religieuses, comme la transformation de l'église Saint-Médard en temple de la déesse Raison et l'expulsion des soeurs grises qui tenaient l'hôpital, ou des décisions militaires comme la conscription, qui déclarait soldat tous les célibataires de 20 à 25 ans. La région devint alors un important foyer de lutte armée contre les autorités françaises, sous la conduite d'Antoine Constant, dit Constant de Roux-Miroir. Au terme d'audacieux coups de mains, les insurgés s'emparèrent de Jodoigne à deux reprises, en octobre et novembre 1798.

Par contre, sous le 1er empire, de nombreux Jodoignois servirent dans les armées de Napoléon, plusieurs perand la vie aux quatre coins de l'Europe au cours des multiples campagnes.Après la période française, les biens des anciens seigneurs de Jodoigne, passèrent au marquis Ferdinand, vicomte de Bavay, neveu du Comte Ferdinand de Romrée, dernier seigneur du lieu.


18eme s.

Du XVIIIème siècle à nos jours


Les plans successifs de la ville permettent de suivre et de comprendre les grandes lignes de son évolution de 1786 à nos jours.


Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.


Une carte manuscrite de 1786 montre que dans l'ensemble le plan de Jodoigne n'a pas changé fondamentalement au cours des Temps Modernes. L'ancienne ville neuve médiévale créée par les Ducs de Brabant reste toujours enfermée dans son enceinte dont trois tours subsistent encore, ainsi que les trois portes principales: porte d'Outre-Gèthe, porte de Saint-Médard (au sud-est) et porte de Tirlemont. A l'extérieur des murailles se sont développés deux faubourgs importants : celui d'Outre-Gèthe ou quartier Saint-Lambert et celui de Saint-Médard, à proximité de l'église romano-gothique du XIIIe siècle. A cette époque, aucune chaussée ni route importante ne passe par la ville.


19eme s.

Le plan de 1872 publié par J. Tarlier et A. Wauters témoigne des grands bouleversements qui ont marqué la cité au siècle dernier, la libérant enfin du carcan médiéval et lui offrant les communications faciles avec les autres centres urbains. En 1811, le Préfet du Département de la Dyle décida la création d'une chaussée reliant Tirlemont à Charleroi et traversant Jodoigne. L'arrêté royal du 10 décembre 1839 ordonna la construction d'une route de Wavre à Hannut, passant par Jodoigne, suite à la résolution du Conseil Provincial de Brabant, en date du 17 juillet 1837.


Le 13e alignement de la route traversa les prairies dites "les blanchisseries" et fit disparaître les écuries du Petit moulin, en contre-bas du Château Pastur. Les travaux s'achevèrent en 1843-1844. Désormais, la ville déplaçait son centre de gravité et se développait suivant les deux axes déterminés par les chaussées se croisant au carrefour du Cheval blanc. Les dernières transformations importantes intervinrent avec l'ouverture de la ligne de chemin de fer de Tamines-Landen, embranchement de Tirlemont, à l'est de la ville, vers 1872, et la création du chemin de fer vicinal vers Wavre (1887) et vers Louvain (1892).


Les vestiges des remparts disparaissaient progressivement et les abords de la petite cité se couvrent de grosses propriétés cossues, signes de la prospérité de la bourgeoise locale, certaines aux allures de véritables châteaux.


20eme s.

Un plan actuel permet d'apprécier la situation présente. Si le tissu urbain s'est étoffé en périphérie de lotissements, cités et maisons individuelles, l'essentiel du plan de l'agglomération n'a plus connu de changement radical. Les deux chaussées construites au XIXe siècle restent les seules artères de pénétration ou de transit, sans possibilité de contournement.


La chaussée Tirlemont-Charleroi permet une liaison rapide avec les autoroutes E40 (Bruxelles-Liège)et E411(Bruxelles-Namur-Luxembourg). Par contre, le chemin de fer a disparu (fermeture en 1960 du trafic des voyageurs), son tracé étant transformé en piste de santé(Ravel), ainsi que les lignes vicinales remplacées par des autobus depuis les années '50.

Ces dernières années pourtant, on a pu assister à d'importants déplacements de certains services. L'administration communale a quitté l'Hôtel de ville de la Grand-place pour s'établirau Château Pastur; la Poste, les services des Finances et de la Justice de Paix se sont regroupés avenue des Commandants Borlée, animant ainsi tout un quartier où se sont développés des grandes surfaces commerciales, banque et magasins divers; un centre commercial s'est crée au Bosquet, tandis que le quartier de Saint-Lambert voyait disparaître la plupart de ses magasins. Seul témoignage de pérennité... le marché du jeudi et celui plus exceptionnel de l'Ascension !


Enfin, en février 1985, la Chambre et le Sénat ont restitué à Jodoigne le titre de Ville perdu depuis l'époque hollandaise.