Saint-Jean-Geest
Sauf Geest-Saint-Jean, les villages du nom de Gest ou Geest n'étaient pas encore distingués par des qualifications différentes, en 1138, date de leur première apparition dans des documents.
Plus tard, on ajouta parfois à ce nom commun celui de personnages qui n'étaient pas les patrons des églises, car à Saint-Jean, l'église était dédiée à saint Georges; à Sainte-Marie, elle l'est à saint Pierre. Dans le principe, on disait simplement Jean Geest.
La commune de Saint-Jean-Geest est limitrophe de Saint-Remy-Geest, de Zétrud-Lumay, Piétrain et Jodoigne.
Le périmètre de la commune de Geest-Sainte-Marie fut déterminé le 14 germinal an XII; après la réunion de ce village avec Saint-Jean-Geest, un procès-verbal de délimitation fut ouvert le 30 décembre 1816 et clos le 1er mars suivant.
Le cadastre divise le territoire de la commune en quatre sections:
- Sainte-Marie-Geest
- Saint-Jean-Geest
- la Grande Campagne
- la Place
Les habitants du village de Saint-Jean-Geest forment une agglomération assez considérable située au milieu des champs d'une extrême fertilité. Vers le sud-ouest, les maisons entouraient à la fin du 19ème siècle une mare asséchée appelée ensuite "La Place".
Minge (Menge, 1223) est le nom que portent, de temps immémorial, quelques maisons isolées, bâties le long de la route de Tirlemont vers Charleroi, près du ruisseau dit la Bronne et de la limite de Jodoigne.
Sainte-Marie-Geest s'élève sur les deux rives de la Gette, dans un site où la rivière est plus encaissée.
Sauf à l'ouest de la Grande Gette, où le sol est accidenté, le territoire de Saint-Jean-Geest forme une vaste plaine légèrement ondulée, où il ne se présente d'autres accidents de terrain que des ravins plus ou moins profonds. Le sol est argileux, sablonneux et pierreux et, en général, fertile. Le point le plus élevé se trouve au lieu dit le Gibet.
Par acte passé devant le notaire Pierre Mariette, le 4 novembre 1718, l'abbé d'Afflighem (archevêque de Malines), le baron d'Eynatten, premier pensionnaire [pensionnaire: personne qui recevait une pension payée par la ville] de la ville de Louvain, et messire Paul Van den Berghe, seigneur de Houthem, Bunsbeek et Vissenaeken, formèrent une société pour exploiter les ardoises et autres "minéraux" qu'ils supposaient exister à Marie-Geest, Jodoigne et lieux voisins; chacun des associés devait partager par tiers les frais et les profits, et celui dans le terrain duquel on trouverait des ardoises devait recevoir un quart du produit. L'abbaye mit immédiatement la main à l'oeuvre et fit ouvrir des fosses ou bures à Sainte-Marie-Geest et obtint du Gouverneur Général, marquis de Prié, l'autorisation de traverser, si cela été nécessaire et à la condition de n'y causer que le moindre tort possible, "les communes, chemins royaux et rivières" (2 mai 1719); mais ces tentatives restèrent sans résultat. C'était le curé de Saint-Remy-Geest, Antoine Corbaye, qui surveillait ces travaux au nom du monastère d'Afflighem.
Les noms de Campagne et Chemin du Chaufour attestent que les moellons retirés du sol de Saint-Jean-Geest ont jadis été brûlés sur place, pour en faire de la chaux.
Tout le territoire de Saint-Jean-Geest appartient au bassin de l'Escaut. Les cours d'eau qui l'arrosent sont la Grande Gette, la Bronne, le Ruisseau des Basses-Bruyères ou du Bois des Pauvres, la Fontaine Saint-Pierre.
La Grande Gette vient de Jodoigne, sépare le territoire de cette commune de Saint-Jean-Geest, entre tout à fait dans cette dernière; reçoit la Bronne puis le ruisseau des Basses-Bruyères, activait la Filature de lin ou Moulin Maisin par une chute d'eau de 0,74 m, arrose le hameau de Sainte-Marie-Geest, reçoit les eaux de la Fontaine Saint-Pierre, forme la limite entre Saint-Jean-Geest et Zétrud-Lumay et entre enfin dans Saint-Remy-Geest.
A la fin du siècle passé, il existait dans la commune deux brasseries et six petits ateliers de tisserands.
Saint-Jean-Geest est situé sur le chemin de Tirlemont vers Namur, qui est évidemment un ancien diverticule [...], car, en plusieurs endroits, des tumulus la bordaient. On en trouvait, en 1454, plusieurs que l'on avait baptisés du nom bizarre de Conseil ou Concile, parce qu'ils semblaient délibérer ensemble ou être disposés pour servir à une délibération. Plus tard, il n'en resta subsister qu'un seul, la Tombe, que la communauté, "en présence du peuple assemblé", donna en location comme terrain vague, vers 1772; il fut alors interdit d'aller extraire du sable sur ce terrain, dont l'étendue était de 185 verges [...], et le locataire fut autorisé à en ôter les pierres de grès ou pierres brutes qui pourraient s'y trouver. Ce terrain fut ensuite exploité par la commune qui y a extrait du sable.
Geest-Saint-Jean et Geest-Sainte-Marie se formèrent insensiblement, le premier dans la plaine, le second sur les bords de la Grande-Gette, entre Jodoigne et Zétrud-Lumay. L'un et l'autre furent du nombres des villages où un duc de Brabant abolit la servitude et la remplaça par un cens à payer.
Au mois d'août 1466, lorsque le duc Philippe de Bourgogne fit marcher ses troupes contre la ville de Dinant, il y eut à Geest-Saint-Jean des désordres très graves. Les hommes d'armes du duc pillèrent la grange de la dîme et l'endommagèrent à un tel point qu'il n'y resta pas de porte, de sorte que plusieurs habitants pauvres de la localité allèrent aussi y prendre du blé. Les soldats obligèrent ces malheureux, sous menace de les rouer de coups, à arracher et couper des haies, dont les débris servirent à allumer le feu des bivouacs. Plus d'une querelle s'éleva au sein des bandes indisciplinées de Philippe et un jour qu'un archer du corps du duc, nommé Jean Paskin, avait été tué par l'un de ses camarades, le maire de Geest-Saint-Jean fit sonner le tocsin et, à la tête des habitants du village, poursuivit le meurtrier, qui parvint à s'échapper. Plus tard, une enquête fut ouverte sur les dégâts qui avaient été commis dans la grange à la dîme et dans les haies, mais les coupables échappèrent à la peine qu'ils avaient encourue; on eut égard à leur misère et aux mauvais traitements qu'ils avaient subis.
Il exista toujours, à Geest-Saint-Jean, des germes d'opposition contre la domination absolue de quelques uns de nos souverains.
Dès l'an VIII de la période française, on proposa la réunion de Geest-Saint-Jean avec Geest-Sainte-Marie, réunion qui s'opéra en effet à la suite d'un décret impérial daté de l'année 1811.
Une grande calamité frappa le village le 2 octobre 1824; 24 maisons, situées dans la partie sud-est du village, furent consumées par un incendie; la charité publique vint au secours des victimes de ce désastre et le roi Guillaume [GUILLAUME Ier de Nassau: Né à La Haye en 1626, mort en 1843. Rois des Pays-Bas en 1815. Il perdit la Belgique en 1830 et ne put la reconquérir, il abdiqua en 1840 au profit de son fils.] fit don d'une somme de 1500 florins.
En 1870, Sainte-Marie et Saint-Jean-Geest étaient administrés par un conseil communal composé de sept, dont deux appartiennent à la section de Geest-Sainte-Marie.
Geest-Saint-Jean et Geest-Sainte-Marie ne renfermaient aucun domaine vraiment seigneurial. Des terres et des dîmes étaient réparties entre différentes familles.
L'abbaye d'Heylissem avait à Saint-Jean-Geest des biens importants; le monastère d'Aywières y possédait 10 bonniers de terre et y prélevait la grande dîme. Une partie de la dîme appartenait à la prébende [PREBENDE: revenu attaché à un titre ecclésiastique, particulièrement à une chanoinie. Les prébendes furent supprimées en 1789, et les chanoines reçurent de l'Etat un traitement fixe.]du chapitre d'Hougarde , qui, de ce chef, fut reconnue astreinte à contribuer à l'entretien de l'église et au paiement de la compétence du curé.
La commune de Saint-Jean-Geest est divisée en deux parties, dont les églises ont toujours ressorti au concile ou doyenné de Jodoigne. Elles n'avaient rang que de quartes-chapelles. Après le concordat, les trois Geest furent réunis pour ne former qu'une seule paroisse, ayant rang de succursale de la cure de Saint-Médard de Jodoigne, et dont Saint-Remy-Geest fut bientôt séparé. Sainte-Marie-Geest en fut d'abord le centre, mais le curé Lecouve étant allé habiter à Saint-Jean-Geest, le maire de Sainte-Marie-Geest prit l'habitude de célébrer dans cette localité les mariages de ses administrés, en même temps que défense était faite de célébrer à Sainte-Marie la messe que les habitants y faisaient dire à leurs frais. Sur les réclamations de l'adjoint-maire, du conseil municipal et des fabriciens, le préfet du département invita le curé à prendre son domicile à Sainte-Marie, sous peine de voir suspendre le paiement de son traitement, et s'adressa sans plus de succès à l'évêque de Malines, le 8 mai 1806. Le curé répondit en montrant qu'à Sainte-Marie il n'y avait guère que 200 habitants, tous mendiants, disait-il, sauf cinq ou six familles. Un nouvel état des paroisses ayant été dressé en exécution du décret impérial du 30 septembre 1807 et Saint-Jean-Geest y ayant remplacé Sainte-Marie-Geest, le conseil municipal de cette dernière commune sollicita, mais sans pouvoir l'obtenir, l'ouverture de l'église de cette localité comme chapelle dépendante de la paroisse de Saint-Jean-Geest. Une succursale n'y a été établie qu'en 1842.
L'église de Saint-Jean-Geest
L'église de Saint-Jean-Geest était dédiée, non à ce saint, comme on pourrait le croire, mais à saint Georges; elle était, depuis le treizième siècle, à la collation de l'abbaye d'Aywières. Mais les dîmes et bénéfices de la paroisse furent longtemps disputées.
Le temple actuel fut construit en 1870-71. L'ancien datait de l'époque ogivale. Il consistait en une nef à collatéraux [COLLATERAL: bas-côté d'une église], une croisée [CROISEE: Transept d'une église] et un choeur. Ce dernier se composait d'une travée et d'une abside à trois pans. De ses cinq fenêtres ogivales, trois avaient été murées à l'intérieur, probablement lorsqu'on éleva le grand autel qui les cachait à moitié; l'une des deux conservait encore, il y a une dizaine d'années, son ancienne ornementation, consistant en un meneau supportant deux arcs ogivaux encadrant des trilobes et au-dessus desquelles se dessinait un quatre-feuille. [quadrilobe] La voûte formait un berceau, divisé en compartiments par des arceaux larges, mais de peu d'épaisseur. La tour placée, au milieu du chaldicique [...] reposait, au moyen d'une voûte à nervures croisées, sur quatre piliers carrés; dans la partie supérieure, on remarquait, sur chaque face, une baie cintrée, divisée par un meneau supportant deux arcs également cintrés. Un clocher élevé et aigu, surmontait la tour. La nef, divisée en trois parties par des piliers, recevait le jour par quatre fenêtres en anse de panier; un plafond en recouvrait la partie centrale, où l'on remarquait, vers la gauche, trois petites fenêtres de forme carrée. En démolissant l'église, on a mis à jour des arcatures[...] cintrées qui étaient cachées par la toiture des bas-côtés. La façade présentait un mur formé de pierres informes de toutes dimensions et soutenu par deux énormes contreforts.
Dans ce temple qui avait subi de nombreuses restaurations, on ne remarquait qu'un détail vraiment archéologique, une jolie piscine [...], de style ogival. Le maître-autel était dédié à saint Georges, les autels latéraux étaient placés sous l'invocation de la Sainte-Trinité et de l'Assomption de la Vierge. Dans la tour étaient suspendues trois cloches.
Au mois d'avril 1870, une nouvelle église commença à s'élever un peu plus au centre de la commune, sur les plans de l'architecte Coulon. Elle est bâtie dans le style de la renaissance et présente la forme d'une basilique terminée par trois absides d'inégale grandeur. Chaque abside présente trois pans aveugles, sauf que le choeur a en plus une grande travée; derrière les absides latérales se prolongent deux sacristies. Les nefs forment cinq travées et sont séparées l'une de l'autre par deux rangées de colonnes qui supportent des arcades cintrées; les voûtes, comme celle du choeur, sont à nervures croisées, et la nef du milieu, plus élevée que les nefs latérales reçoit le jour par une seconde rangée de fenêtres. En avant du vaisseau s'élève un avant-corps dans le genre de celui qui a été construit pour l 'église d'Opprebais. Au-dessus de la partie centrale, qui est percée d'une porte et d'un oculus, s'élève une tour carrée dont chaque façade offre deux baies cintrées, accolées, et à la naissance du toit, un cadran; une haute flèche, de forme octogonale, surmonte la tour. La façade de l'église est complétée par deux demi-pignons, percés chacun d'une fenêtre cintrée; là se trouvent , à gauche, les fonts baptismaux; à droite, un dépôt ou refuge. Des contreforts soutiennent la façade et des contreforts-pilastres les autres parties de la construction qui a été achevée pendant l'été 1871. On y a employé la brique, sauf que, pour la façade et la tour, on s'est également servi de pierres blanches de France et de Gobertange.
Le mobilier se distingue par un beau Christ du XVIe ou XVIIe siècle, un maître-autel Louis XIV et, au fond de la nef, des statues de saint Roch et saint Hubert, du XVIIIe.
L'église de Sainte-Marie-Geest
L'église de Sainte-Marie-Geest reconnaît pour patron saint Pierre; la Vierge n'y est que patronne secondaire. Longtemps le curé de la paroisse de Sainte-Marie eut à lutter pour son traitement ou pour son logement.
Le temple, quoique, selon Tarlier et Wauters, très petit et très modeste, présente quelque intérêt au point de vue archéologique. Il se compose d'un seul vaisseau qui appartient à des époques différentes. La partie la plus ancienne est le choeur, qui se termine par une abside semi-circulaire, dont la corniche repose sur des contreforts-pilastres entre lesquels se dessinent, par groupes de trois, des arcatures[ensemble des parties d'une construction taillées en forme d'arc] cintrées dont quelques unes reposent sur des culs-de-lampe [CUL-DE-LAMPE: ornement de plafond ou de voûte ressemblant au-dessous d'une lampe d'église] à tête humaine parfaitement conservée. L'église est éclairée par de petites fenêtres ogivales. La tour carré qui s'élève en avant du choeur, appartient à la même époque; elle est éclairée de chaque côté, dans sa partie supérieure, par une baie pleinement cintrée et divisée en son milieu par un meneau supportant deux arcs qui ont été endommagés; la corniche repose sur des modillons [MODILLON: ornement des ordres ionique, corinthien et composite, saillant en forme de S à volutes inégales, et placé sous le larmier de la corniche pour y figurer l'extrémité d'un chevron de comble.] romans et le toit, peu élevé, de la tour supporte un clocher octogonal. La nef qui est plus large que la tour, a été en partie refaite au XVIIe siècle, à en juger par les deux fenêtres qui l'éclairent du côté nord; sous ces fenêtres on remarque deux grands arcs en plein-cintre, indices d'une reconstruction de la muraille, qui est bâtie en moellons. La façade porte le cachet de l'architecture du siècle dernier. Elle est construite en briques, sauf le soubassement, les anglées et les cordons, qui sont en pierres. Elle est percée d'une porte et de deux fenêtres, superposées et carrées.
Si l'on en croit la tradition, l'église aurait été brûlée, et le millésime de 1622 se lirait sur d'anciens sommiers[...] de la tour, que l'on a fait servir de nouveau. En 1887, le temple a subi une restauration.
L'intérieur offre trois autels, dont le deux latéraux sont consacrés aux deux patrons.